Mai-Juin 2022 : Tikehau-Tahanea

Une copine raie manta rencontrée dans la passe de Tikehau

News d’Oxygen, Cap’tain Syl et Mouss’Isa…
Mercredi 20 avril, après 3 mois en métropole nous voilà à nouveau à bord d’Oxygen, enfin !!
Nous comptons rester 5 mois et prendre le temps de découvrir l’archipel des Tuamotu. En effet chacun de nos arrêts dans ces atolls de rêve était jusqu’à maintenant une escale dans les navigations en allant ou revenant des Marquises, donc toujours chronométrées et tributaires des fenêtres météo.
Mais pour ce faire, il faut déjà préparer Oxygen à appareiller. Il est à sec au chantier CNI de Raiatea depuis janvier. En effet le carénage/peinture antifouling et quelques menus travaux sont au programme puis remise à l’eau le lundi 25. Viennent ensuite les vérifications usuelles moteurs / Hors-bord annexe/guindeau/satellite/gréement ….l’avitaillement (autrement dit les courses… miam miam… heureusement Raiatea est très bien pourvue et l’on trouve à peu près tout)….

Et dans le même temps on a le bonheur de retrouver nos amis locaux, particulièrement Jane et Marc qui nous assistent au plus près de nos besoins !
Et nous voilà parti dès le mardi 3 mai, 5h du matin, à destination de l’atoll de Tikehau dans les Tuamotu, situé à environ 3 jours de mer.
Mer belle, grand-voile hissée, solent déroulé, allure bon plein, tout va bien. Quelques grains avec vent jusque 32 nœuds, puis le soleil revient…. Au menu du déjeuner thon aux graines de sésame/sauce soja et riz, pratique pour les navigations… On tente de dormir un peu chacun son tour en prévision des quarts nocturnes à effectuer… Quand… à… 16h… Cap’tain émet un juron : Merde, un toron cassé dans le hauban bâbord !!
Après inspection attentive, je trouve en fait 4 torons cassés sur les 19 constituants le câble inox du hauban bâbord !!

Détail des torons cassés sur hauban bâbord

Il n’y a pas à réfléchir : affaler les voiles sans secousse, démarrer un moteur… et rentrer réparer. La seule façon étant de remplacer au moins les haubans.
Il reste à décider de notre nouvelle destination : retourner à Raiatea en terrain de connaissance ou bien aller à Tahiti où nous trouverions plus facilement un fournisseur/gréeur….
Avons choisi Raiatea. On y arrive à 4h du matin, dépités mais très content d’avoir échappé à un démâtage. Car je précise pour les non-initiés que la fonction du gréement est de maintenir le mât du bateau. Ce dernier est soumis à de très grosses contraintes sous l’effet du vent dans les voiles. Si un des haubans, la martingale ou l’étai casse, le mât capitule …. Le démâtage est un accident que tout équipage craint bien sûr mais ce n’est pas rare.
Dès le lendemain, le gréeur pro vient à bord faire un diagnostic. Et grosse surprise : un autre toron est cassé sur le câble de la martingale… Plus de doute il faut changer tout le gréement dormant (les 2 haubans + la martingale + l’étai).
Pour info, les assureurs ne recommandent de changer le gréement que tous les 10 ans. Celui d’Oxygen a été changé au Panama en 2018. Cap’tain l’avait fait pour avoir l’esprit tranquille dans le Pacifique…. Raté !! Bien sûr il a contacté le fournisseur américain qui a répondu n’être pas en cause et a exposé de mauvais prétextes….

Je vous passe les détails des recherches de fournisseurs sur Tahiti, du type de câble et des terminaisons à privilégier, les dimensions à relever, où positionner Oxygen pour les travaux et quelle méthodologie adopter …. etc etc… Cap’tain Syl est en transe….
Au final :
Gréement en stock commandé chez Fenua Rigging de Tahiti le lundi 9 mai, reçu le mercredi 11 Incroyable.
Oxygen amarré à une digue en extérieur de la marina de Apooiti dès le mardi 10.
Le gréeur de Raiatea n’était pas disponible de suite, nous avons donc décidé de faire les travaux par nous-même. Ce fut un chantier qu’on peut qualifier d’intéressant et d’enrichissant… mais ce sont des qualificatifs a posteriori car sur le moment on a surtout la frousse de se tromper sur une côte, de faire une mauvaise manipulation etc etc …. Le vendredi 13 (ça ne s’invente pas…) nous avions fini le plus gros !!
Pour tout dire, nous étions bien entourés car conseillés par les amis Bertrand, Gilou, Claude…. Et aurions-nous réussi sans Marc qui, en plus de ses judicieux conseils et de sa panoplie du parfait bricoleur, a bûché 3 jours durant sur notre enrouleur Profurl récalcitrant (mécanisme qu’il connait par cœur pour avoir participé très activement à sa mise au point il y a quelques 40 ans sur les pontons des Deauville avec Pierre Clausun, fondateur de Profurl. Jane et Marc sur leur Sancerre Ratafia en étaient aussi les béta testeur). Et au milieu de toute cette bonne volonté Jane occupait à merveille le poste de logisticienne : amener la perceuse, récupérer la bouteille de gaz du chalumeau, conduire tout le monde à la bonne pitance…
Et le dimanche 15 mai, nous repartions voguer… Depuis la métropole on ne peut pas se rendre compte : changer son gréement en moins de 2 semaines est un miracle en Polynésie. Mais avec un peu de chance et la ténacité de Capt’ain Syl….
Pour commencer, petit galop d’essai jusque l’île de Huahine située à 30 miles nautiques, soit 50km, réalisés en 6h. Impec.
Ainsi dès le lendemain, nous partons vers notre destination initiale : l’atoll de Tikehau.
3 jours de navigation sans problème….
Atoll de TIKEHAU

Les amis Cath’ et Willy sur leur magnifique Marsaudon TS5 Moea Piti nous y accueillent au mouillage de la passe, nous proposant même la bouée du bateau Timshel de leur connaissance. En effet le mouillage est truffé de patates de corail.
Le lendemain nous décidons de plonger à la passe. Dans tous les atolls les passes sont des lieux d’échange entre haute mer et lagon, les eaux y sont riches et donc très poissonneux avec en prime les prédateurs (requins, barracudas, dauphins…). Par contre les courants y sont forts, ainsi le corail ne parvient pas à se fixer au centre des passes mais uniquement sur les rives.
Un bateau de pêche professionnel est amarré à une bouée. On fait connaissance, les 4 pêcheurs sont de Tahiti en campagne pour 2 semaines dans les Tuamotu. Le matos de pêche est impressionnant avec entre autre une ligne de palangres longue de 40km… Ils nous proposent gentiment du poisson : on échange 2 thons que nous dédommageons par quelques canettes de bières… et il a fallu refuser d’autres thons et coryphènes…

Après quelques jours nous traversons le lagon avec une grande vigilance car seul le chenal allant de la passe au village de Tuherahera est cartographié. Nous nous rendons tout au bout du lagon, motu Ohihi, ainsi nous serons protégés du vent d’Est prévu pour les prochains jours.
On y rencontre Agnès et Claude du bateau Timshel, qui ont jeté leur dévolu sur Tikehau après 40 ans en Polynésie. Ils passent désormais le plus clair de leur temps dans cet atoll et en connaissent le moindre recoin. Belle rencontre… Nous espérons les revoir.

Jardin d’Eden : coq, truie et sa portée multicolore, production de sel, potager et ses magnifiques salades vertes, vanilleraie et affiche de propagande…

Sur le motu voisin il y a une petite communauté religieuse que tout le monde appelle EDEN. Pas moins que ça !! C’est un genre de secte repartie sur plusieurs continents avec un gourou qui se fait appelé Grand-Père, 96 ans, qui vit en Thaïlande. Installé ici depuis 20 ans, il y a 4 familles soit environ 20 personnes, ne font pas de prosélytisme, sympa, plutôt typés asiatique et font en sorte d’être en totale autonomie pour une alimentation bio, saine comme dans le jardin d’Eden, au commencement du monde… Du coup on est ravi, on va pouvoir acheter des légumes/fruits (aubergines, basilic, bananes, aubergines, poivrons, salades vertes…) et même un poulet directement au producteur. Un jeune homme nous fait visiter leurs installations. Le travail réalisé pour préserver les cultures des racines voraces des cocotiers, des insectes et de l’eau de mer est impressionnant… En prime il nous donne du gros sel de leur production aussi…

Le bourg tranquille de Tuherahera

A priori la goélette, navire ravitailleur, doit passer vendredi au village, nous décidons donc de mouiller dès jeudi face au village de Tuherahera et allons de suite à terre pour visiter. C’est très très tranquille !!! Il y a une belle darse avec pontons, 2 ou 3 épiceries, le bureau de poste OPT et son distributeur de billets, 3 snack, une pension avec bungalows/restaurant, et une boulangerie… A noter une variante ici : le boulanger ne travaille pas la nuit mais le jour. Donc pour du pain frais, faut venir l’après-midi… Ce doit être un original mais de toute façon on ne l’a pas vu car actuellement sur Tahiti et donc en ce moment c’est sa mère, très sympathique, qui fait le pain et quelques gâteaux / pizzas.
Le timing des navigations est toujours aléatoire et les bateaux ravitailleurs qu’on appelle ici Goélette, (les premiers bateaux ravitailleurs étaient à la voile et le nom est resté…) n’échappent pas à la règle. Parfois ils retardent d’un ou 2 jours et parfois sont en avance… et voilà on l’a raté, il est passé le matin même pendant que nous revenions du fond de l’atoll…. Et tout le frais livré a été pris d’assaut dans les épiceries. Ainsi il y a des pâtes, du riz, de l’huile, des chips mais déjà plus de tomates, pamplemousses ou avocats… si tant est qu’il y en eu !!! On en saura pas plus … tant pis !
Pour se consoler, le lendemain midi on va au resto de la pension avec Cath et Willy…

Cap’tain et la nouvelle voile d’Oxygen : un code 0 léger / tag de Rotoava / affiches pour les élections législatives à Rotoava : plus colorées et gaies qu’en métropole…

Atoll de FAKARAVA
On décide ensemble de bouger pour l’atoll de Fakarava situé à 170mn (environ 300km) dans le sud-est. Ainsi on passe au sud des atolls de Rangiroa, Arutua, Apataki et Toau pour pénétrer dans Fakarava par la passe nord, proche du village principal de Rotoava, le mercredi 1er juin.
Depuis quelques temps Cap’tain Syl a très très mal aux dents, une visite dentiste s’impose… mais pour ça il faut aller à Tahiti situé à 1h d’avion !! ben oui, c’est ça aussi de vivre dans un paradis, peu peuplé !! Ainsi Cap’tain fait comme il le ferait en métropole : il appelle un cabinet dentaire (le même que celui de Jane). Un RdV est dispo dès le lendemain mais pas de place dans l’avion… On décale donc de 5 jours pour faire coïncider le dentiste et l’avion. Comme il faut compter avec les éventuels retards d’avion et le timing dentiste, il dormira à Tahiti et retient une place pour le retour le lendemain. En attendant on traite son mal de dent, à priori insoutenable, au tramadol, tout de même !!
Tout se passe bien et le dentiste, habitué à soigner en un seul RdV, arrache les 2 dents de sagesse supérieures en 1h et Oxygen récupère son Cap’tain le lendemain en pleine forme, ouf !!
Et durant son absence Cath’ et Willy m’ont choyé …

Joyeuse réunion à bord d’Oxygen / Etoile de mer sans branche / le bourg de Rotoava avec les bateaux au mouillage, Syl s’envole vers Tahiti…

Navigation de concert pour Oxygen, Moea Piti et Bright Star

Notre ami autrichien Franz sur son catamaran Bright Star de retour de Tahiti nous rejoint, ainsi à 3 bateaux nous gagnons un mouillage au milieu de la cote Est puis descendons à Tetamanu, la passe sud. On y reste 2 jours car Willy n’y a jamais plongé, ce serait dommage de rater cette occasion. Surtout que nous sommes à quelques jours de la pleine lune de juin, c’est-à-dire LA nuit de reproduction annuelle des mérous et cet événement n’attire pas que des mérous… des centaines de requins gris viennent profiter de ce rassemblement pour faire un super gueuleton !! C’est l’objet d’un reportage appelé « 700 requins dans la nuit » à propos d’une mission scientifique d’observation il y a quelques années et passé plusieurs fois sur Arte, à ne pas rater. Effectivement lors de nos plongées on remarque qu’il y a encore plus de requins que d’ordinaire ici ! Et même des dauphins…

Faka ne fut qu’un arrêt technique (dentiste, ravitaillement, internet etc etc..) mais de charme tout de même et désormais on file pour l’atoll de Tahanea.
Atoll de TAHANEA
Il est situé à 50mn dans le Sud Est mais le vent est orienté Est et nous contraint donc à l’allure de prés en faisant des bords ce qui double la distance à parcourir. Donc après 110mn on franchit la passe de Tahanea le samedi 11 juin. Non sans avoir pêché un magnifique thon juste auparavant.

Les marins disent de cette allure « au près » : deux fois la route, trois fois la peine, quatre fois la grogne… Et c’est pas faux !!

Photo satellite de l’atoll de Tahanea, on distingue bien les 2 grandes passes sur la cote nord, la 3ième, plus étroite, est juste à leur droite.

Que dire de Tahanea ??
C’est un atoll dont le lagon, de 50 km par 20, possède 3 passes situées sur la côte nord dont seules 2 sont praticables par les voiliers. Il est inhabité mais tout de même exploité pour le coprah par les habitants de Faaite, atoll voisin à l’ouest. Les coprahculteurs habitent temporairement sur les motus dans des abris de tôles ondulées rafistolés mais toujours propres sans électricité/gaz ni eau courante bien sûr ! Les campagnes de coprah durent 1 à 2 semaines et durant ce temps ils se nourrissent de leur pêche (poissons, langoustes…) et chasse (crabes de cocotier) et c’est barbecue tous les jours grâce à la bourre de coco qui constitue un excellent combustible et c’est à profusion…

Moea Piti au premier plan et Oxygen au mouillage… cool !! (prise de vue de Willy by drone)
Les 3 bateaux et la plage du motu coté lagon

Nous avons fait 4 mouillages dans ce lagon, toujours dans l’optique d’être à l’abri du vent derrière les motus suivant les prévisions météo.
Oxygen a une petite infiltration au hublot de survie bâbord, c’est un grand classique car ces hublots sont à ras de l’eau pour être accessible si le bateau se retourne… pas bon signe… Cap’tain trouve un endroit propice pour réaliser ce travail qui nécessite de béquiller la coque bâbord…
Pour ce faire :
Immobilisation de Oxygen à marée haute au plus près de la plage.
Calage avec des pierres et cousin sous la coque bâbord.
Avec la marée basse le niveau d’eau baisse d’environ 40cm et du coup la coque bâbord reste suffisamment hors d’eau pour pouvoir finaliser la pose du sika autour du hublot et surtout reposer le déflecteur. 3h de séchage c’est suffisant et de toute façon, pas le choix car la marée remonte et le niveau d’eau aussi…
Ça a l’air simple mais … c’est tout de même 3 jours de boulot et surtout Cap’tain Syl a cogité de folie…

Et voila le travail…

A part ces travaux techniques, beaucoup de plongées, de balades sur les motus à chercher des crabes ou des coquillages et de festins avec Moea Piti et Bright Star…
On a pas vu d’autres voiliers, en tout cas pas sur nos mouillages.

Quelques clichés des profondeurs : petite patate de corail, Willy et une raie pasteunague pas farouche du tout, limaces noires/roses qu’on en connait pas… et nudibranche

Cap’tain Syl voudrait bien manger des langoustes, mais pas les troquer contre des bières à des pêcheurs. Non il voudrait les attraper sur le platier comme on fait sur Mopelia avec Gilou… On est donc aller plusieurs fois sur les platiers mais que nenni non point de langoustes… On ne dit pas qu’il n’y en a pas mais elles n’ont pas daigné se montrer…

Magie du lever de soleil

Qui dit atoll des Tuamotu, dit Kaveu ( à prononcer kavéou ) : le bien nommé crabe de cocotier… en effet il vit sur les atolls se nourrissant uniquement de noix de coco qu’il débourre et ouvre avec ses fortes pinces. En journée il se cache sous des souches ou dans les racines aériennes des pandanus mais sa présence se remarque aux amas de bourre de coco au sol devant son repère. Il sort le soir pour se nourrir. On a réussi à en attraper quelques-uns qu’on a cuit en cocotte et dégusté tous ensemble. Sa chair dense est savoureuse. A l’arrière du corps il a une poche de réserve de matière grasse. On peut en retirer les vaisseaux et boyaux, y ajouter sel/poivre et un peu de cognac et direction le frigo. Le froid rigidifie la graisse et vous obtenez le Foie Gras polynésien… Les avis sont catégoriques : Willy, Franz et moi aimons mais Cap’tain Syl et Cath’ goûtent à peine du bout des lèvres. Cath’ est médecin et nous informe que de toutes façon la noix de coco est très grasse (on savait) mais surtout favorise le mauvais cholestérol…

Kaveu et leurs pinces impressionnantes… après cuisson !

Mais toutes les bonnes choses ont une fin, après 3 semaines nous quittons Tahanea.
Moea Piti fait route sur Kauehi tandis que Bright Star et Oxygen continuent vers l’est pour l’atoll de Makemo…
A très bientôt…